- TÉLÉCOMMUNICATIONS - Téléactivités
- TÉLÉCOMMUNICATIONS - TéléactivitésLa notion de téléactivité englobe toute forme de travail à distance «médiaté», c’est-à-dire opéré par voie de télécommunications. Elle concerne les activités du secteur tertiaire dont l’objet est de manier, traiter, produire et/ou transmettre de l’information. On en distingue deux variétés: le télétravail et le téléservice , qui se différencient d’abord par la nature du contrat qui lie celui qui réalise le travail et celui qui exploite le résultat de ce travail.Dans le cas du télétravail, le rapport entre celui qui fournit le travail et celui qui l’utilise est de nature salariale. Le télétravail est exercé par une personne physique salariée de l’entreprise pour laquelle elle réalise le travail à distance. Juridiquement, le télétravail n’est pas assimilable à une forme de sous-traitance demandée par l’employeur au salarié, mais il constitue seulement un mode d’organisation et un mode d’exécution du travail. Le télétravailleur demeure sous la dépendance et l’autorité de son employeur, et reste donc attaché à l’entreprise; il dispose seulement d’une plus grande liberté de fait dans l’exécution de son travail, tel qu’il résulte de son contrat de travail.Dans le cas du téléservice, le travailleur à distance fournit une prestation de service au profit d’une entreprise ou d’un particulier qui achète ce service. Le travail à distance est ici le fait d’une personne morale qui l’exerce dans ses locaux, dans le cadre d’une relation marchande.1. Les diverses formes du travail à distance médiatéOn distingue différents degrés de travail à distance médiaté.Le travail à domicile spontané . C’est le travail à domicile effectué par le salarié d’une entreprise, le soir ou le week-end, sans intentions affichées de télétravail. Il prolonge la journée ou la séquence de travail et permet à ceux qui le pratiquent – généralement des cadres – de compléter leurs dossiers à domicile à l’aide de leur propre micro-ordinateur. En s’affranchissant de l’obligation de rester au bureau pour réaliser leur travail, ils bénéficient occasionnellement de conditions de travail différentes.Le travail flexible . Cette pratique consiste pour un individu, en accord avec son employeur, à travailler de façon régulière et alternée entre le bureau et le domicile, pendant les heures ouvrables et selon un rythme pouvant être, par exemple, de deux jours à domicile pour trois jours au bureau.Ce type de télétravail se développe à l’initiative des individus, mais n’est pas généralisé au sein de l’entreprise, bien qu’il implique une reconnaissance formelle de la part de celle-ci. Le télétravail, dans ce cas, n’est pas considéré par l’organisation comme un outil stratégique pouvant procurer un avantage compétitif. Il procède de la prise en compte de besoins individuels précis et de situations particulières (durée du trajet domicile-travail, garde des enfants, etc.).L’organisation flexible . Il y a organisation flexible dès lors qu’une véritable politique est mise en place proposant le télétravail à tout ou partie des salariés. La différence avec la forme précédente provient donc de la volonté manifestée par la direction de rendre plus flexible et déconcentrée l’organisation en tant que telle, dans une logique managériale et économique. L’entreprise perçoit les avantages compétitifs qu’elle peut tirer de cette organisation. Le télétravail est alors promu au rang d’un mode d’organisation stratégique de la production.Les différentes variables de la flexibilité organisationnelle sont individuelle, managériale, spatiale et temporelle. Individuellement, le télétravailleur dispose de la liberté d’organiser son travail et de contrôler son propre rythme de travail. Corrélativement, cette situation impose la mise en place d’un management par objectif, la définition d’une activité dont les résultats soient facilement mesurables et la clarification des modalités d’interaction et de communication entre le donneur d’ordre et le télétravailleur. La flexibilité se retrouve également dans la combinaison de l’utilisation du temps pour effectuer le travail et du lieu pour l’accomplir. Sachant que la localisation de l’exercice de l’activité peut être permanente ou éphémère, on distingue de ce point de vue:– Le travail électronique à domicile ou télébureau. L’organisation s’appuie sur le travail flexible généralisé à toute une catégorie de personnel.– Le télécentre. Il s’agit d’une unité de travail réunissant en un même local un ensemble de personnes dépendant du même employeur (centre satellite) ou d’employeurs différents (télélocal), les équipements électroniques étant partagés par différents utilisateurs. Le télécentre peut aussi accueillir des télétravailleurs entrepreneurs individuels ou des entreprises de téléservices.– Le télétravail nomade. Il est le fait avant tout de professionnels dont le travail nécessite de nombreux déplacements (par exemple des agents commerciaux) et qui, grâce aux moyens de communications électroniques, peuvent rester en contact et se relier à l’entreprise quel que soit le lieu où ils se trouvent.– Le télétravail en réseau. Les configurations précédentes reposent sur l’hypothèse qu’il y a quelque part un centre représentant le pouvoir, l’encadrement, la direction ou simplement le bureau physique. Le télétravail en réseau – ou télétravail en groupe coopératif – est étranger au paradigme centralisation-décentralisation. L’exemple typique est fourni par les groupes de chercheurs travaillant à distance sur un même projet à l’aide de systèmes de travail coopératif dits «collecticiels» ou en utilisant le réseau Internet. Ce type de télétravail repose sur une communication en réseaux fluides au moyen desquels des télétravailleurs disposant de compétences spécifiques deviennent membres d’un groupe éclaté participant à un projet commun. C’est là une remise en cause radicale du fonctionnement traditionnel des organisations.Ainsi, de même que le taylorisme fut une réponse organisationnelle au progrès technique introduit par la mécanisation, l’organisation fondée sur le télétravail pourrait être l’une des réponses au progrès induit par l’informatique et les télécommunications.L’externalisation d’activités . Tout ou partie de l’activité fonctionnelle est délocalisée en dehors du périmètre juridique de l’entreprise. Celle-ci fait alors appel, par le réseau, à des prestataires de services extérieurs. Elle devient un client de téléservices.L’entreprise de téléservice réalise et commercialise des produits ou services «informationnels» dispensés par l’intermédiaire du réseau de télécommunications. Ces services, à plus ou moins grande valeur ajoutée, peuvent être fournis par des entreprises implantées dans le même pays que leur clientèle, ou franchir les frontières grâce aux réseaux. Certains pays à bas salaires comme les Philippines ou Maurice développent une forte activité sur le marché des téléservices off shore.Les salariés des entreprises de téléservice vivent à proximité de celles-ci, tandis que les utilisateurs et les clients de l’entreprise se situent à distance. Ces clients peuvent être des professionnels ou des particuliers. Les téléservices aux professionnels sont les services tels que le télésecrétariat, la télésaisie, la télégestion comptable, la télétraduction, le téléconseil, la sous-traitance de services informatiques (facilities management ), l’intermédiation électronique, la téléformation, etc. Pour les particuliers, il s’agit de services tels que le téléachat, la vidéo et les jeux à la demande, la télésurveillance, la télémédecine, le télé-enseignement.2. Historique de la notion de télétravailC’est en 1950 que le père de la cybernétique, Norbert Wiener, invente l’idée de télétravail en imaginant un architecte qui, à l’aide d’un télécopieur, superviserait à partir de l’Europe la construction d’un bâtiment aux États-Unis (The Human Use of Human Being Cybernetics and Society ). Wiener montre ainsi que le transport d’informations peut se substituer au transport de matières.L’intérêt pour le télétravail commence véritablement à se propager au début des années 1970, à la faveur de la première crise internationale du pétrole. La crise met l’accent sur le gaspillage d’énergie dans les systèmes de transport publics et privés. En 1974, aux États-Unis, Jack Nilles introduit le concept de telecommuting , que l’on traduira plus tard en France par le terme télétravail. Le telecommuting apparaît comme une option permettant d’économiser de l’énergie dans les déplacements quotidiens domicile-travail en substituant au transport physique la communication électronique.En 1980, Alvin Toffler, dans son schéma d’histoire mondiale à trois phases, fait du télétravail l’un des éléments de base de la «troisième vague» qui se fait jour. Il prédit que, avec le nouveau système de production fondé sur l’informatique, les lieux de travail se déplaceront, par millions, de l’entreprise vers le domicile des travailleurs. Dans la vision de Toffler, le couple micro-ordinateur foyer domestique nourrit l’espoir de la redécouverte des vertus d’une communauté de petits producteurs en interaction communicationnelle permanente. Les salariés pourront ainsi goûter aux joies du travail autonome, loin des pesanteurs bureaucratiques de la grande entreprise.En France, c’est à la suite du rapport Nora-Minc, qui annonce le rapprochement de l’informatique et des télécommunications, que le concept est introduit à la fin des années 1970 par l’opérateur des télécommunications publiques, le futur France Télécom. Tout en constituant une vitrine pour les nouveaux services télématiques, les premières expériences de télétravail menées au début des années 1980 sous forme de centres satellites par l’opérateur français visent surtout à améliorer les conditions de vie et de travail des salariés, voire à maintenir un emploi à proximité du lieu de résidence de ceux dont le poste vient d’être supprimé. Cette conception palliative et sociale du télétravail, proche de l’utopie tofflérienne, domine les premières expériences françaises.Une première vague d’expérimentations et de projets fortement médiatisés se déroule dans la plupart des pays occidentaux au début des années 1980. Beaucoup n’auront qu’une faible durée de vie et même ne verront jamais véritablement le jour, comme l’expérience française de télélocal à Marne-la-Vallée, souvent citée. Face à la pauvreté des applications réelles, certains observateurs notent que jamais on n’a fait tant de bruit pour si peu. W. J. Steinle remarque même qu’«il y a plus de gens qui font de la recherche sur le télétravail que de télétravailleurs eux-mêmes». Le vif désenchantement qui fait suite à la première vague d’optimisme affaiblit le concept de télétravail et semble mettre en cause sa pertinence.3. Vers de nouvelles perspectivesAu début des années 1990, plusieurs ordres de facteurs ont contribué à renouveler l’intérêt pour le télétravail et, plus généralement, pour les téléactivités: des facteurs structurels et des facteurs conjoncturels, mais aussi l’évolution technologique et la prise en compte de déséquilibres territoriaux.Les facteurs structurelsLa «tertiarisation» de l’économie s’est accentuée à partir des années 1980. Nous sommes entrés dans une société que certains qualifient de postindustrielle. Ainsi, en France, entre 1982 et 1990, le nombre des ouvriers a baissé de 6,8 p. 100, celui des agriculteurs exploitants de 32,6 p. 100. Durant la même période, le nombre des employés augmentait de 7,2 p. 100 et celui des cadres et professions intellectuelles de 40,2 p. 100 (I.N.S.E.E., 1990). Or c’est dans l’industrie manufacturière que l’essentiel des gains de productivité des décennies précédentes a été réalisé, tandis que ceux des activités tertiaires restaient faibles dans tous les pays industrialisés.Les entreprises sont aujourd’hui contraintes d’accroître la compétitivité de leurs activités tertiaires. Le télétravail constitue une forme d’organisation propre à apporter des éléments de réponse à ce nouvel impératif d’efficacité.Les facteurs conjoncturelsLa récession économique du début des années 1990 contraint la plupart des entreprises à repenser leur organisation et les oblige à procéder à des restructurations avec le souci d’augmenter la flexibilité dans l’organisation du travail.Dans ce contexte, le télétravail et les téléservices ouvrent diverses possibilités pour les décideurs:– réduire les frais généraux et en particulier les charges immobilières;– préserver l’emploi localement, nonobstant certains programmes de restructuration;– augmenter la réactivité de l’entreprise en affranchissant les compétences des contraintes spatiales;– redistribuer l’activité près des marchés ou sur des zones économiquement mieux ciblées;– augmenter la productivité; certaines entreprises ont pu vérifier que la productivité s’accroît d’environ 20 p. 100 lorsque le salarié travaille chez lui;– transformer des coûts fixes en coûts variables, par la consommation de téléservices.On assiste à un renversement de paradigme. Le paradigme palliatif et social du télétravail des années 1980 fait progressivement place au paradigme économique et stratégique des téléactivités (R.-M. Lemesle et J.-C. Marot).L’évolution technologiqueL’extension des réseaux, les progrès technologiques de l’informatique et des télécommunications ainsi que la baisse des coûts font qu’il n’y a plus aujourd’hui d’obstacle technique au développement des téléactivités. La fiabilité et la couverture de réseaux tels que Numéris constituent pour la France une incontestable source d’opportunités nouvelles. Le raccordement des entreprises et des foyers à des réseaux en fibre optique et la création d’«autoroutes» électroniques à fort débit par lesquelles circuleront le son, l’image et les données devraient contribuer à faire «exploser» le marché du multimédia et à ouvrir d’autres perspectives encore.Les téléactivités reposent aujourd’hui sur l’usage d’outils largement banalisés: le téléphone, les micro-ordinateurs communicants, la télécopie, le transfert d’appels, la messagerie électronique, etc. Cela entraîne deux types de conséquences:– la localisation de l’activité médiatée peut croître en flexibilité;– le télétravail et les téléservices sont accessibles à une gamme de professions et de publics de plus en plus large.La population la plus sensible aux téléactivités est composée des catégories socioprofessionnelles suivantes: les chefs d’entreprises; les professeurs, les professions scientifiques, celles de l’information, des arts et des spectacles; les cadres administratifs et commerciaux; les ingénieurs et cadres techniques; les actifs non salariés (indépendants).Les déséquilibres territoriauxLa France doit également faire face au déséquilibre de son territoire: aujourd’hui, relève la D.A.T.A.R., 40 p. 100 de la population occupe moins de 1 p. 100 de l’espace national. La concentration de la population en Île-de-France a eu tendance à se renforcer encore dans les années 1990.Si les excès d’urbanisation comportent des coûts sociaux indirects (problèmes de délinquance, d’exclusion sociale, d’insécurité, etc.), les coûts directs du travail dus à la congestion des grandes villes sont également de moins en moins supportables. Pour un salarié moyen occupant un bureau de 20 mètres carrés, le poste de travail coûtait environ 60 000 francs par an à Paris contre 12 000 francs par an à Grenoble en 1989 (I.N.S.E.E.). Malgré la faiblesse du marché immobilier à Paris, le différentiel restait de l’ordre du simple au triple, cinq ans plus tard.Le coût des transports est aussi un facteur important. Ainsi, sur les voies rapides de l’Île-de-France, le nombre de milliers d’heures par kilomètre d’embouteillage s’est accru de 12 p. 100 l’an en moyenne depuis 1981.Les différences de salaires constituent un autre facteur déterminant. En 1989, le salaire moyen dans le secteur des services était de 128 000 francs par an en région parisienne contre 97 000 francs par an en province. Les proportions deviennent encore plus importantes lorsqu’on franchit les frontières: le salaire d’un analyste-programmeur français est cinq ou six fois supérieur à celui de ses homologues philippins ou indiens. Ce rapport est supérieur à dix lorsqu’il s’agit d’opérateurs de saisie. En outre, dans ces pays, les charges sociales sont très faibles (10 p. 100 du salaire aux Philippines, contre 40 p. 100 en France).Si les téléactivités apparaissent comme un moyen de désenclaver économiquement certaines zones défavorisées (zones rurales, zones de montagne, zones insulaires, etc.) et, plus généralement, comme un outil d’aménagement du territoire, leur développement non maîtrisé comporte aussi le risque de la délocalisation d’activités vers les pays à main-d’œuvre moins chère (F.-H. de Virieu, «Le Téléphone qui apporte le chômage», in Le Monde , 4 déc. 1992). En 1990, le gouvernement français a mandaté la D.A.T.A.R. pour étudier les modalités de mise en œuvre d’une politique de télétravail qui aurait pour but de favoriser la redistribution d’activités sur le territoire et de maîtriser les risques de délocalisation à l’étranger.4. Le développement des téléactivitésLes évaluations quantitativesLe nombre des télétravailleursDe nombreuses références à des données quantitatives émaillent la littérature sur le télétravail. Mais si, depuis le début des années 1990, les experts s’accordent à noter une augmentation du nombre des postes de télétravail, leurs chiffres présentent de sérieuses divergences. Ainsi, Link Resources aux États-Unis et Ovum au Royaume-Uni évaluent à 15 p. 100 le taux de progression des applications de télétravail entre 1992 et 1993; mais, tandis que Link Resources recensait 6,6 millions de télétravailleurs aux États-Unis en 1992, Ovum en dénombrait seulement 345 000. La raison de cette divergence provient principalement de ce que chaque institut s’appuie sur une définition différente et plus ou moins large du télétravail. Sans entrer dans le débat sur la définition du télétravail – qui, d’ailleurs, est une constante depuis l’origine –, nous dirons que les estimations d’Ovum comptabilisent uniquement les applications de télétravail formellement reconnues par l’employeur, excluant de ce fait – contrairement à Link – toute forme de travail à domicile spontané (J.-C. Marot).La France comptait 16 000 télétravailleurs en 1993, estimation donnée par le rapport sur le télétravail présenté au gouvernement la même année (T. Breton). Ce rapport s’appuie sur une définition à finalité juridique qui est la suivante:«Le télétravail est une modalité d’organisation et/ou d’exécution d’un travail exercé à titre habituel, par une personne physique, dans les conditions cumulatives suivantes.D’une part, ce travail s’effectue:– à distance, c’est-à-dire hors des abords immédiats de l’endroit où le résultat de ce travail est attendu;– en dehors de toute possibilité physique pour le donneur d’ordre de surveiller l’exécution de la prestation par le télétravailleur.D’autre part, ce travail s’effectue au moyen de l’outil informatique et/ou des outils de télécommunications, et implique nécessairement la transmission au moyen d’une ou de plusieurs techniques de télécommunications au sens de l’article L32 du Code des P & T, y compris au moyen de systèmes informatiques de communication à distance des données utiles à la réalisation du travail demandé et/ou du travail réalisé ou en cours de réalisation.»Dans l’hypothèse de conditions externes demeurant similaires à celles d’aujourd’hui (scénario de développement «inertiel» du télétravail), il devrait y avoir en France, à l’horizon 2000, entre 150 000 et 200 000 télétravailleurs répondant à cette définition, et entre 300 000 et 500 000 en 2005.Le marché des téléservices en FranceSelon le rapport sur le marché des téléservices en France (T. Breton) commandé en 1994 par le gouvernement, les téléservices pourraient créer entre 170 000 (hypothèse tendancielle) et 370 000 emplois (hypothèse haute) dans les dix années à venir. Deux tiers des emplois créés par ces nouveaux services seront délocalisables en zones rurales. Par ailleurs, il apparaît que les risques de voir la France perdre des emplois au profit de pays à main-d’œuvre moins chère sont au total très limités en raison des capacités exportatrices du pays dans certains services à forte valeur ajoutée, comme la téléinformatique et le télé-enseignement.En 2005, la moitié des utilisateurs de téléservices seront des particuliers, l’autre moitié des entreprises. Le taux estimé de croissance du marché est compris entre 8 et 16 p. 100. Si certaines conditions externes (en particulier réglementaires) évoluent favorablement, la vidéo et les jeux à la demande, la télémédecine et le télé-enseignement feront partie des services qui connaîtront le développement le plus rapide. Mais les marchés les plus importants en volume sont les services de télécommunication à valeur ajoutée (banques de données professionnelles, intermédiation électronique, etc.) et la sous-traitance de services informatiques des entreprises.Les conditions de développementLe nombre des télétravailleurs en France en 1993 est quatre fois moins important qu’au Royaume-Uni et dix fois moins important qu’en Allemagne. Les perspectives moyennes de développement des téléservices à l’horizon 2005 ne représentent pas plus de 1 p. 100 des emplois en France. Alors que notre pays dispose d’une avance technologique certaine avec son expérience du Minitel et le développement de Numéris, le développement des téléactivités y rencontre des obstacles auxquels d’autres pays semblent moins sensibles.Les obstacles au développement du télétravail en FranceLe retard relatif de la France peut être expliqué par des freins culturels et sociaux. Les cadres et les employés français craignent plus que leurs collègues allemands ou britanniques les risques de dérive sociale dus au télétravail. De fait, en France, les positions syndicales à l’égard du télétravail n’ont guère évolué sur le fond depuis les années 1980. Même s’ils en considèrent désormais les avantages, les syndicats de salariés soulignent surtout les risques du télétravail pour les salariés ou entrepreneurs individuels: la parcellisation du travail, le manque de vue d’ensemble sur le marché de l’entreprise et le manque d’ouverture sur l’extérieur, le contrôle invisible mais omniprésent par l’ordinateur central, l’isolement par rapport aux collègues et à la hiérarchie, la destruction de la communauté de travail, le peu de contacts avec les syndicats et les représentants du personnel, les risques de précarisation de l’emploi, etc. (R.-M. Lemesle et J.-C. Marot). Par ailleurs, les bureaux collectifs dits «paysagers» sont moins fréquents en France que dans les autres pays d’Europe. Les bureaux individuels étant plus répandus dans notre pays, le besoin de s’isoler pour mieux se concentrer en travaillant à domicile y est moins prégnant qu’ailleurs.D’autres freins culturels existent, comme la tradition centralisatrice française. S’agissant de l’aménagement du territoire, cette tradition tend à s’opposer aux délocalisations des administrations centrales de Paris vers la province et aux projets de rééquilibrage du territoire. Au sein des entreprises, elle contrarie la mise en place d’une organisation flexible et déconcentrée impliquant plus d’autonomie pour le personnel concerné et la perte corrélative de certains pouvoirs d’encadrement.Au point de vue juridique, même si le télétravail ne constitue pas un travail spécifique rendant nécessaire l’élaboration d’un statut particulier (T. Breton), ses effets accroissent la complexité de l’organisation du travail et amplifient certains risques.C’est au niveau du contrôle du travail à domicile que se rencontre la principale difficulté attachée au télétravail. Au Royaume-Uni et au Japon, il existe des cas où ce contrôle s’exerce par le moyen d’un visiophone installé dans la pièce où le télétravailleur à domicile exerce son activité. En droit français, le télétravail à domicile pose la question de la frontière entre l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur et le respect des libertés individuelles. En tout état de cause, l’employeur ne peut utiliser des moyens de contrôle mis en place à l’insu du salarié. Par conséquent, en France plus que dans ces pays, l’employeur se trouve contraint d’innover en matière organisationnelle pour contourner la difficulté du contrôle à distance.En outre, l’impossibilité pour le donneur d’ordre de surveiller physiquement l’exécution du travail amplifie deux types de risques: ceux qui sont liés à la fourniture de biens matériels (certains outils peuvent être coûteux) et/ou immatériels (logiciels) au télétravailleur; ceux qui sont liés à l’utilisation des informations et données recueillies par le télétravailleur (problèmes de confidentialité).L’analyse juridique met aussi en évidence l’inadéquation partielle de certaines règles propres au droit du travail – durée du travail, horaires, notion d’accident du travail, mode de communication des représentants du personnel avec leurs électeurs et d’exercice du droit syndical, par exemple – et de cette forme nouvelle d’organisation du travail.Les freins au développement rapide des téléservices en FranceDu côté des ménages, les freins sont d’abord économiques. À l’horizon 2005, la dépense moyenne par habitant en consommation de téléservices aux particuliers pourrait être de 200 à 300 francs par mois.Du côté des entreprises consommatrices de téléservices, les freins sont de deux ordres. Culturellement, il est parfois difficile pour un chef d’entreprise d’admettre, par exemple, qu’un service de formation ou de comptabilité assuré à distance puisse être de qualité équivalente sinon meilleure que le même service assuré en face-à-face. La difficulté tient également au fait qu’une utilisation optimale des téléservices suppose quelquefois une mutation en profondeur de l’organisation de l’entreprise.Du coté des prestataires, la commercialisation des téléservices constitue l’une des premières difficultés. En effet, il faut savoir vendre à la fois le concept de la prestation à distance – qui se heurte, comme on vient de le voir, à divers obstacles culturels – et le contenu du service lui-même. Or les sociétés de téléservices sont souvent de petites structures, qui n’ont pas les moyens d’entretenir une force commerciale importante. Cela est particulièrement vrai dans le secteur des téléservices de fonction: télésecrétariat, télécomptabilité, téléconseil, etc.Dans certaines catégories de téléservices, l’obstacle majeur est de nature réglementaire, voire institutionnel. Aujourd’hui (1995), les émissions de téléachat sont interdites le week-end et on n’y a pas le droit de citer la marque des produits proposés. De même, le développement d’applications de téléassistance médicale (prestations médicales à distance auprès des patients) se heurte à l’absence de prise en charge des actes de télémédecine par la Sécurité sociale. La télémédecine n’a commencé à se développer aux États-Unis que lorsque les compagnies d’assurances ont accepté d’en rembourser les actes.Quant au télé-enseignement, l’Éducation nationale n’a pas encore pris globalement le problème en main. La règle ancienne selon laquelle l’élève ou l’étudiant pouvant assister à un enseignement «présentiel» n’est pas en droit de s’inscrire également à l’enseignement à distance constitue un obstacle de taille, car elle limite une action concertée entre les organismes spécialisés dans le télé-enseignement et les établissements traditionnels (V. Le Peltier et J.-C. Marot).
Encyclopédie Universelle. 2012.